Bassorah (to be continued part 2)

Apparemment, les choses vont plutôt mal pour MALIKI. N’étant pas journaliste mais historien, je ne m’étendrai pas plus que cela, sauf pour tenter de dégager quelques traits saillants pour l’analyse.

-la contestation croissante au sein des partis politiques chiites contre l’assaut sur BASSORAH va de pair avec la dénonciation d’une mauvaise préparation. Il semble que le Conseil Suprême Islamique soit le seul allié vraiment stable du Premier Ministre, encore s’agit-t-il d’un allié de circonstance.

-l’implication croissante de la Coalition démontre l’échec du « test » de l’opération irakienne. Au-delà, peut-être cela renvoie-t-il à la difficulté intrinsèque à légitimer un gouvernement irakien perçu comme « collaborateur » avec les Américains. D’ailleurs, les miliciens sadristes ne se font pas faute d’exploiter cette narration.

-enfin, peut-être peut-on y lire une part d’hybris de la part de MALIKI et des Américains. Ayant cru que leurs succès réels vis à vis de la population sunnite pouvait être répliqué dans ce sud complexe et chiite, force leur est de constater qu’ils risquent peut-être de perdre les acquis sécuritaires de l’année écoulée, du moins à BAGDAD.

Bien sur, il est possible d’incriminer l’inefficacité apparente des Britanniques (ou du moins leurs choix différents de ceux des Américains), mais il faut garder à l’esprit que le principal problème reste celui de la posture « néocoloniale » de la Coalition: ou comment continuer dans le contrôle au lieu de chercher la véritable cooptation.

Nouveau numéro de « Culture et Conflits »

Je mets en lien le numéro de cet automne de la revue « Culture et Conflits » portant sur « Militaires et engagements extérieurs: à la conquête des coeurs et des esprits? »(n°67).

Ce numéro met en valeur un jeune doctorant (plus avancé que moi puisqu’il termine bientôt) qui, dans le cadre de l’IEP de Paris, travaille sur la « légitimation locale de la force militaire internationale ». Merci donc à Christian OLSSON de renouveler la problématique du lien entre OPEX (dans le contexte postcolonial) et légitimité de la force (par le contrôle plus que par la cooptation, comme je ne cesse de le dire depuis quelques mois, quoique je n’ai jamais eu l’occasion de lire M OLSSON avant cela).

A noter: nous ne travaillons pas sur les mêmes bases épistémologiques, ni même d’ailleurs sur le même sujet.

-Christian Olsson et Pauline Vermeren: « Militaires et Engagements Extérieurs: à la conquête des coeurs et des esprits? » (Editorial)

-Thomas Lindemann, « Des guerriers pour faire la Paix. L’Armée américaine en Irak« .

-Christian Olsson: « Guerre Totale et/ou force minimale? Histoire et paradoxes des ‘coeurs et des esprits’« .

– Matthieu Rigouste: « L’ennemi intérieur: de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire »

"From the Shores of Tripoli to the Halls of Moctezuma"

(Hymne du Corps des Marines des Etats-Unis).

Dans un article paru en mai 2006 dans Armed Forces Journal, l’historien Max BOOT soulignait le lien entre le Corps des Marines et les « petites guerres » en montrant l’engagement historique dans les Banana Wars (Haïti, République Dominicaine, Nicaragua) entre 1913 et 1934. Notamment, il rappelait la standardisation des principes et procédures de contre-insurrection au sein du Small Wars Manual en 1935/1940. En novembre 2005, Franck HOFFMAN (un LCL en retraite du Corps et membre de plusieurs think tanks) et le général MATTIS (alors commandant de la Doctrine et de l’Enseignement du Corps, le Marine Corps Combat Developement Command -MCCDC) publiait une réflexion sur les « guerres hybrides » dans lesquelles les Marines auraient à jouer un grand rôle. Ces réflexions aboutissaient dans l’été 2006 par la publication du Tentative Manual for Countering Irregular Threats puis par d’autres manuels sur la contre-insurrection. Le Corps des Marines semble ainsi avoir appris plus rapidement et plus radicalement à mener une contre-insurrection que l’Army du fait de ses traditions, de la permanence d’une « doctrine informelle » (le Small Wars Manual est réédité en 1987) et de la plus grande « adaptabilité » de ses membres et de ses chefs.

Or, dès 2003, le général HAGEE, commandant du Corps des Marines (CMC), souhaitait que les Marines quittent leur engagement en Irak afin de retrouver leur qualité expéditionnaire leur permettant d’être une force d’urgence. Son successeur, le général CONWAY, garde ces revendications, tant pour un déploiement en Afghanistan (justifié selon lui par le besoin de « combat » des Marines) que pour le rejet de certains matériels jugés « trop lourds » pour un Corps « léger et agile », ou encore pour la nécessité de redéfinir des concepts doctrinaux « expéditionnaires ». Un autre élément narratif est ainsi mobilisé par ces deux hommes: la nécessité de répondre à la culture traditionnelle du Corps, qui est d’être à la mer et de prendre d’assaut les rivages de « l’arc d’instabilité ». Bien entendu, ces narrations modèlent les intérêts bureaucratiques de l’institution (on le voit avec l’insistance sur les matériels et plate-formes permettant de surgir « par delà l’horizon » comme l’OSPREY) autant qu’elles sont modelées par ces dernières (puisque ces mêmes programmes d’acquisition permettent d’avoir une part croissante du budget).

Dans le même temps, HAGEE comme CONWAY ont soutenu l’effort institutionnel d’apprentissage et de réforme lié à la contre-insurrection en Irak et en Afghanistan. Sur certains points, ils ont même précédé l’Army dans ce domaine, comme l’illustre la création précoce du Center for Advanced Operational Cultural Learning (CAOCL) à l’automne 2005.

Comment donc expliquer à la fois cette réticence et cet appui?

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Bassorah, Maliki et la forme de l’Etat Irakien.

Le blog Historiae.org Histories of Political Imagining est spécialisé dans les questions du fédéralisme et du séparatisme dans le sud de l’Irak. Dans un article intituté « The Enigmatic Second Battle of Basra« , Reidar VISSER offre une explication de l’actuelle affaire de Bassorah via le prisme des questions de la forme future de l’Etat irakien e de ses implications au niveau local.

Deux lignes supplémentaires de clivage apparaissent ainsi entre les diverses factions chiites à Bassorah comme au sein des instances gouvernementales et parlementaires au niveau national:

  1. l’opposition entre centralistes et fédéralistes: sur ce point, le Premier Ministre MALIKI, favorable à un Etat central relativement fort, se rapproche de SADR et s’oppose ainsi au Conseil Suprême Islamique en Irak, partisan d’un Etat fédéral.
  2. l’opposition entre les fédéralistes chiites favorable à une entité unique (le Conseil Suprême Islamique en Irak) et les fédéralistes favorables à une plus grande décentralisation et à la formation d’entités politiques sur une base géographique plutôt qu’ethnique (le parti FADHILA, dissident des JAM)

Ainsi, il y aurait des tensions entre MALIKI et le Conseil Suprême Islamique en Irak, pourtant principal soutien du Gouvernement au Parlement irakien. Le Conseil considérerait en effet que les options centralistes du Premier Ministre ainsi que son exercice ferme de l’autorité sont des menaces sur le long terme. Par ailleurs, le parti FADHILA aurait été favorable au maintien des Britanniques dans la cité du Sud, craignant les tentatives du Premier Ministre et du Conseil Islamique de restreindre sa mainmise sur le gouvernement Provincial (le gouverneur actuel, Mohammed Al-Waeli, est membre de ce parti).

Il apparaît donc ainsi que la thèse d’une alliance contre les Sadristes est la plus probable, étant donné les tensions idéologiques entre le Premier Ministre, le Conseil et le FADHILA. Cette impression est renforcée par les narations de chacun des principaux acteurs de l’affaire puisque le Conseil et MALIKI (sans compter les Américains et les Britanniques) proclament tout deux que l’objectif de la « Charge des Chevaliers » est d’éliminer les groupes mafieux contrôlant les raffineries de pétrole de la ville (principal terminal pétrolier d’Irak).

Quel est l’objectif du Premier Ministre? S’assurer un contrôle plus important des Forces de Sécurité Irakienne et une stature d’Homme d’Etat. Sur le premier point, les milices de son parti, le mouvement DAWA, sont faibles. Il s’agit donc de renforcer un contrôle « subjectif » des militaires (HUNTINGTON) ou un contrôle politicien (JANOWITZ) de ces derniers. C’est problématique si on considère le mal que les Américains ont eu à former des Forces Armées Nationales non-partisanes après les déboires de la « chiitisation » de celles-ci (certaines unités ayant eu participé aux luttes interethniques en 2006, ou même aux compétitions interchiites). De plus, le contrôle « intrusif » des civils sur les militaires (FEAVER) pose le problème de l’efficacité des opérations militaires sur le moyen terme (c’est à dire si les Américains partent). Sur le second point, le Premier Ministre a fait taire ses conceptions centralistes pour nouer une alliance de circonstance contre son principal rival au sein de la population chiite. Peut-il apparaître comme le « stabilisateur » de l’Irak et comme un homme « au dessus des partis ». Tout dépendra des narrations qu’il saura mettre en branle, notamment concernant le rôle de l’Iran au sein des JAM de Moqtada Al Sadr.

BASSORAH (to be continued…)

Je poursuis ma réflexion d’hier sur l’affaire de BASSORAH et de l’offensive contre l’Armée du Mahdi (JAM) de Moqtada Al Sadr.

Deux éléments semblent se confirmer:

  1. Moqtada Al Sadr a appelé à un « règlement pacifique » du conflit, tandis que les manifestations pacifiques ont battu le pavé à BAGDAD et dans d’autres villes du Sud. Par ailleurs, le leader chiite aurait autorisé ses forces à riposter si elles étaient prises à partie. Cela étaie l’impression de faiblesse relative du mouvement sadriste, autrefois plus agressif. L’affrontement superpose bien deux éléments: les compétitions entre les groupes chiites pour le contrôle de BASSORAH, du Sud chiite et du gouvernement d’une part, la poursuite de la contre-insurrection et de la stratégie de la « tâche d’huile » contre les milices rétives et les « éléments criminels » de ces dernières d’autre part. Cette superposition peut se lire de plusieurs manières, le Premier Ministre MALIKI utilisant les rivaux de Sadr pour éradiquer la violence endémique présente à BASSORAH et renforcée par le départ des Britanniques, tandis que la décision unilatérale du gouvernement irakien de lancer l’offensive (une décision d’opportunité apparemment) intervient peut-être en prévision des élections provinciales d’octobre et du départ de la 5ème brigade du surge en juillet (le général PETRAEUS devant donner une évaluation sur la situation les 8 et 9 avril prochains).
  2. Par ailleurs, les forces américaines semblent reprendre la main sur l’opération, surtout à BAGDAD. Cela renforce le sentiment donné hier par plusieurs déclarations d’officiers irakiens concernant l’infériorité de leur équipement et de leurs tactiques face aux JAM. Ainsi, cela démontrerait les limites de l’autonomie réelle des Irakiens dans la contre-insurrection et la stabilisation. De manière non surprenante, ces limites se renforceraient en grimpant la hiérarchie politico-militaire. L’explication me paraît la suivante: les équipes de conseillers militaires (MiTT) opèrent à des niveaux tactiques parfois assez bas et semblent apporter une réelle valeur ajoutée pour les échelons de la section au bataillon. Toutefois, les officiers supérieurs et généraux irakiens sont tributaires des Américains, tant dans la planification (comme à MOSSOUL) que dans la logistique (une fonction traditionnellement défaillante dans l’Armée irakienne).Cela pose donc de nouveau la question de la pertinence de « l’irakisation par le haut » telle que pratiquée actuellement. En effet, la contre-insurrection (à l’instar de toute opération militaire) suppose une intégration et un équilibre entre la centralisation (des objectifs, de la doctrine, des lignes d’opérations, etc.) et la décentralisation (de la stabilisation, des responsabilités, des modes tactiques adaptés au contexte local, etc.). Dans cette optique, la cohérence au niveau du théâtre est capitale. Or, force est de constater que, si les Américains ont su développer une telle cohérence en 2007/2008), il leur manque d’intégrer efficacement le Gouvernement Irakien (GoI). En effet, la Trinité Clausewitzienne apparaît complexe dans ce cas précis: non seulement, elle superpose la configuration américaine (dans laquelle le pôle Population et le pôle Armée sont relativement déséquilibrés par rapport au pôle Gouvernement) et la configuration irakienne (où les 3 pôles ne semblent pas du tout coordonnés, comme l’illustrent les combats actuels); mais elle nécessite que les deux soient intégrées d’une manière ou d’une autre…. Pour terminer, je dirais que la reprise de contrôle par les Américains peut avoir deux effets: terminer plus rapidement l’affaire, ou bien endommager la stratégie de communication de MALIKI en radicalisant l’ensemble des partisans de SADR, lesquels sont farouchement anti-Américains.

Bonus: un diaporama du New York Times

Photo: The Washington Post.

Mise à jour: A noter que les principaux blogs anglo-saxons semblent hésiter entre deux narrations (dont nous avons déjà vu qu’elles ne sont pas incompatibles). D’un côté, l’opération serait destinée à assurer la sécurité dans le Sud (poursuite de la COIN), de l’autre, elle serait la preuve d’une lutte politique entre factions en prévision des élections. Effectivement, les enjeux sont importants car ils reflètent les clivages concernant la guerre en Irak d’une part, et ceux concernant le rôle du surge et de la nouvelle stratégie de 2007 dans la stabilisation graduelle d’autre part.

Mise à jour n°2: deux nouvelles intéressantes

-Les forces de la Coalition auraient bombardé les positions sadristes à Bassorah… No comment (voir plus haut)

-le Premier Ministre aurait proposé de racheter les armes lourdes et légères des miliciens qui n’auraient pas pris part au combat, et ce jusqu’au 8 avril. Par ailleurs, le Parlement irakien a été boycotté par les membres de la majorité mais pas par les Sadristes. Enfin, un dirigeant iranien appelle au règlement pacifique du conflit, tandis que les rapports et les témoignages montrent que l’intensité des combats a diminué. Hypothèses: les forces irakiennes ont avancé plus rapidement qu’hier, les négociations en cours rapprochent peut-être MALIKI et SADR, le concours des Américains et des Iraniens démontre l’intérêt partagé (bien que temporaire) à la stabilité du pays: qui sait?

Clarifications…

Dans la confusion actuelle (entretenue par mon dernier post, je le concède), il est bon de ne pas se laisser happer par le factuel avant d’avoir essayé de l’inscrire dans un cadre conceptuel.

Dans l’affaire de BASSORAH, il faut distinguer trois éléments:

  • L’assaut contre la ville, préparé depuis décembre en prévision de Phantom Phoenix, et décidé par le Premier Ministre lui-même. Ayant débutée le 25 mars, Knight’s Charge (ou Knight’s Assault) consiste officiellement à reprendre le contrôle de la cité du sud, contestée entre les diverses milices chiites, surtout depuis le départ des Britanniques cet automne. Le rapport entre ces groupes est complexe. Les élections provinciales de l’automne, boycottées par l’Armée du Mahdi (JAM) de Moqtada Al-SADR, ont donné un avantage important au Parti FADHILA, dissident des JAM. Les autres partis, le DAWA du Premier Ministre et le Conseil Suprême Islamique en Irak, se partagent les sièges  restants. La rue est cependant disputée entre les JAM et l’organisation BADR, bras armé du Conseil Suprême. Enfin, les Services Publics sont entre les mains de ces différents groupes: l’électricité au FADHILA et aux JAM, les raffineries de pétrole au DAWA et au FADHILA, l’aéroport enfin au DAWA. Les alliances entre les milices ont progressivement isolé le parti de SADR. Ainsi, si l’attaque sur BASSORAH ne vise explicitement aucun groupe, les affrontements semblent n’avoir lieu qu’avec les Sadristes.
  • Cet assaut s’inscrit donc dans une compétition plus large entre groupes chiites. Comme je l’écrivais hier, l’influence de SADR dans la coalition au pouvoir n’a cessé de diminuer au profit du Conseil Suprême Islamique. Officiellement, le gouvernement et les Américains luttent depuis l’automne contre ceux qu’ils appellent les « éléments criminels » de l’Armée du Mahdi, c’est à dire les miliciens accusés de ne pas respecter la trêve. Ceux-ci sont souvent confondus avec les « groupes spéciaux » armés et financés par les Forces Spéciales iraniennes. La semaine dernière, une étape supplémentaire a été franchie lorsque les forces de police ont livré bataille à des groupes JAM à KUT. Par ailleurs, les tirs de mortier sur la « zone verte », quasi-quotidiens depuis dimanche, ont coïncidé avec l’appel à la désobéissance civile lancé par les adjoints de SADR pour lundi dernier. On assiste donc à un affrontement à l’échelle de tout le pays entre certains membres des JAM et la Coalition, notamment à HILLAH, DIWANYAH et le quartier de SADR CITY à BAGDAD. Il faut noter que SADR n’a toujours pas dénoncé la trêve. Ce qui montre soit sa position de faiblesse, soit que la communication du gouvernement (qui évite la stigmatisation d’aucun groupe) est efficace.
  • L’assaut sur BASSORAH marque une étape supplémentaire dans « l’irakisation » de la contre-insurrection. Comme à MOSSOUL (mais à une plus vaste échelle), les Américains sont en soutien. Contrairement à cette dernière ville cependant, les opérations ressemblent davantage aux assauts de 2004-2005 contre les « sanctuaires » qu’à la conquête progressive par l’infiltration et l’installation d’avant-postes. Outre le test capital que représentent ces deux opérations à la veille de l’évaluation officielle PETRAEUS/CROCKER, il est nécessaire d’insister sur les lacunes des forces irakiennes (ISF). Deux éléments importent particulièrement:

-les équipements et les tactiques semblent inadaptés, aux dires des officiers irakiens. Peut-être n’est-ce là que l’expression de la réticence à se battre sans les Américains ou bien une manière de demander davantage de soutien matériel (à l’image des revendications observées chez les miliciens sunnites: il faut plus d’armes…. en prévision d’une guerre civile?)

-l’utilisation de 16 000 policiers locaux (sur les 30 000 irakiens engagés dans l’opération) reflète l’adaptation de la « stabilisation par le bas » au sein des forces irakiennes. D’ailleurs, outre le soutien (au moins passif) des autres milices, les forces irakiennes s’appuient sur la population de certains quartiers souhaitant davantage de sécurité. Il est trop tôt pour dire si le gouvernement saura, à l’instar des Américains en 2007, capitaliser et organiser ce mouvement de fond à son avantage.

Pour conclure, le terme de « guerre civile » me semble pour le moment prématuré et inexact. Prématuré car la trêve n’a pas été dénoncée et car il ne s’agit pas d’un embrasement généralisé des différents groupes chiites. Inexact, car nous somme dans une situation différente des violences interethniques de 2006 où les populations civiles étaient directement visées.

Il s’agit peut-être d’une phase nouvelle du conflit, présentant autant d’éléments de rupture que de continuité par rapport à la période précédente: « irakisation » accélérée de la contre-insurrection, déplacement des menaces (les Chiites et l’Iran apparaissant de plus en plus comme le nouveau « centre de gravité » des opérations de stabilisation, tandis qu’AQI a basculé vers le pôle terroriste, à l’exception de l’affrontement pour le contrôle de l’ouest de MOSSOUL, notamment la route MOSSOUL-TELL AFAR-SYRIE); équilibre enfin entre la centralisation et la décentralisation en COIN.

narration alternative: via The Captain’s Journal. MALIKI aurait décidé de frapper les « gangs » et les milices pro-iraniennes ou « mafieuses » se réclamant en partie de SADR en profitant de la faiblesse de ce dernier. (note: il est vrai que les activités criminelles et « politiques » s’entremèlent assez étroitement dans la grande cité du Sud. L’opération contre BASSORAH est donc à la fois politique, contre-insurrectionnelle et policière… Bref, de la COIN pure jus par les Irakiens eux-mêmes). De fait, la narration « dominante » actuellement (que je reprends partiellement d’ailleurs) considère que l’opération Knight’s Charge est une faute politique car elle risque d’exaspérer encore plus les Sadristes. Il n’est pas sur qu’il ne s’agisse pas là d’une erreur de perspective dans la mesure où, je le répète, l’opération est certainement prévue depuis longtemps. MALIKI a donc usé du principe d’opportunité pour réaliser une stratégie assez simple: reprendre le contrôle de BASSORAH.

Deux narrations donc:

  1. Celle de la Guerre Civile (compétition politique entre Chiite)
  2. Celle de la lutte contre les « éléments criminels » (contre-insurrection et State Building)

Compléments:

-Où sont les Britanniques? A force de faire dans le maintien de la  Paix au lieu de la COIN……

-Tentation impériale ou cooptation: est-il dangereux de pousser MALIKI dehors? (ou comment laisser les Irakiens eux-mêmes régler cette seconde « Intifada » sadriste) Doit-on craindre le retrait des troupes ou au contraire se réjouir que les Irakiens crèvent eux-mêmes l’abcès?

Ninewah and Diyala…

… As seen by two different kinds of sources for my PhD:

  • First is another DoD Blogger Roundtable with colonel LEHR, CG 4 Stryker Brigade, 2nde ID, in charge with operations to clear the BreadBasket in DIYALA Province.
  • Second is the latest dispatch by blogger and embedded journalist Michael YON. He provides us a niece piece about operations in Western Ninewah (especially the yazidis communities and Tal Afar). The good point is that he make an historical perspective with the same areas in 2005 and 2006).

Comme je le disais… (ou les Chiites se réveillent) MISE A JOUR

Aujourd’hui (note: article initial écrit le mardi 25 mars 2008, début de l’offensive sur BASSORAH) est jour de grève… dans les quartiers chiites de BAGDAD. L’appel a été lancé par les lieutenants de Moqtada Al-Sadr pour protester contre les arrestations et les raids lancés par l’armée irakienne contre des groupes de l’Armée du Mahdi (JAM) à KUT et DIWANYAH (dans le Sud Chiite au NO de BASSORAH).

Le problème est complexe: si Moqtada Al-Sadr a bien confirmé le cessez-le-feu du mois d’août dernier, certaines milices se réclamant de son mouvement (dont les liens avec les Services Spéciaux Iraniens restent peu clairs) semblent rétives. De fait, les tirs de mortiers ayant touché la « zone verte » hier (une première depuis 1 an) semblent relier l’affaire aux « groupes spéciaux » pro-iraniens. Le général PETRAEUS a lui-même indiqué que les soupçons se tournaient vers l’Iran.

La question se pose de savoir si nous assistons à un nouveau tournant du conflit, alors même que le gouvernement MALIKI annonce son intention de se tourner vers le sud du pays, pour le moment délaissé par les opérations de contre-insurrection.

NOTE: lien vers une monographie de l’Institute for the Study of War concernant la menace des « groupes spéciaux » à BAGDAD.

Mise à jour : des affrontements ont éclaté aujourd’hui à BASSORAH et à KUT entre les milices chiites et les forces de sécurité irakiennes. Par ailleurs, des tirs de mortier ont encore touché la « zone verte ». De fait, le quartier de SADR CITY (au NE de la capitale) a été bouclé par les Américains et les Forces Irakiennes. Enfin, les adjoints de Moqtada Al-Sadr menacent de déclencher une insurrection si les arrestations continuent.

Bien entendu, chacun interprétera l’évènement à sa façon. Mais notons dès l’abord que l’opération contre BASSORAH, bien qu’annoncée formellement dimanche dernier, relève de la logique: il s’agit de poursuivre les objectifs de contre-insurrection vers les villes du Sud, dont beaucoup sont entre les mains de milices soutenues par l’Iran (ou prétendument telles). De fait, la menace qui pèse sur le cessez-le-feu de l’Armée du Mahdi est réelle mais m’inspire les réflexions suivantes. Le leader chiite s’était soulevé en mars 2004, puis en août de la même année, puis encore en 2005 jusqu’à ce que l’actuel gouvernement ne choisisse de le protéger (il y a 1 an, beaucoup disaient que le gouvernement MALIKI était en fait le gouvernement SADR), avant que les Américains ne détachent les deux hommes. Or, chacun de ses soulèvements a échoué. Il est bien évident que SADR présente une menace réelle pour l’autorité du gouvernement irakien. Enfin, rappelons que les opérations qui débutent seront sans doute meurtrières et s’apparenteront peut-être à une nouvelle guerre civile, mais je doute fort que les JAM soient réellement capables de l’emporter face aux forces irakiennes devenues leur pire ennemi. En effet, le mouvement semble affaibli, comme l’annonçait d’ailleurs la reconduction de la trêve à la fin du mois de février et l’annonce faite par SADR de convertir son organisation en une ONG charitable islamique. L’homme ne possède plus l’aura qu’il tenait de son nom (son père étant un des principaux ayatollahs chiites persécutés par Saddam Hussein), ni même du succès (relatif) de ses armes.

Ces affrontements, si ils devaient déboucher sur la dénonciation de la trêve, marquent donc une étape supplémentaire dans la contre-insurrection et dans l’affirmation du gouvernement élu. Il n’est pas non plus anodin que les opérations débutent maintenant alors que les discussions sur le calendrier de retrait des troupes vont suivre l’évaluation de PETRAEUS et CROCKER dans 2 semaines.

Mise à jour n°2: Intéressante analyse dans Abu Muqawama. En effet, la présence de MALIKI lui-même pour commander l’opération indique les tenants et les aboutissants politiques de cette affaire. En effet, la perte d’influence (relative) du mouvement de Moqtada Al Sadr auprès des Chiites s’explique principalement par la détérioration de son image de « défenseur des Chiites » du fait des agissements criminels de certains des JAM, mais aussi de la concurrence croissante du Conseil Supérieur Islamique en Irak (ISCI) ainsi que des brigades BADR (tout deux perçus comme pro-iraniens davantage que SADR). On peut donc postuler une alliance objective entre ces derniers, les Américains et le gouvernement MALIKI dans la perspective des élections provinciales d’octobre. Dans le Sud, comme dans les quartiers chiites de BAGDAD, la compétition politique pour les voix chiites fait rage, les Américains préférant les mouvements pro-iraniens à un Moqtada Al Sadr dont l’assise électorale reste tout de même importante.

Mise à jour n°3: L’opération contre BASSORAH, Knight Assault, a été préparée depuis l’été dernier par le gouvernement Irakien (déploiement de 4 brigades en Décembre). Elle bénéficie du soutien logistique et appui-feu des Américains. Parallèlement, les Américains et les Irakiens sont toujours à la recherche des membres des JAM ayant tiré au mortier dimanche et mardi dernier sur la « zone verte » et la FOB FALCON (à 13 km au sud de la « zone verte »).

Mise à jour n°4: Le premier ministre AL MALIKI vient de donner 72h aux milices présentes dans BASSORAH pour rendre les armes. De fait, près de 16 700 militaires, policiers et membres des Forces Spéciales se préparent à poursuivre l’assaut, qui est bien entièrement une opération irakienne comme l’atteste aujourd’hui le Major-général BERGNER, porte-parole de la MNF-I.

Parallèlement à cette opération, des heurts ont éclaté entre les JAM et les membres du parti du Premier Ministre (le DAWA) à BAGDAD (notamment dans le quartier de AL-AMIN). Dans SADR CITY, les JAM tiennent les Checkpoints tandis que les postes de police sont vides).

Je crois qu’il est possible de donner deux analyses:

  • la première est que le Premier Ministre et les Américains veulent séparer les « éléments criminels » (les partisans « indisciplinés » des JAM) de Moqtada Al Sadr, de manière à éviter tout embrasement entre les Chiites. Les tirs de mortier -qui continuent aujourd’hui- entrent dans la catégorie des « actes criminels »(1). Cette manière de désigner l’adversaire est particulièrement habile par rapport à l’opinion publique chiite.
  • les journaux français parlent de « guerre civile ». Encore faudrait-il s’entendre sur ce que signifie ce terme. En effet, si on peut parler de compétition politique interne aux Chiites, nous sommes loin des embrasements interethniques de 2006. Par ailleurs, la préméditation de cette opération (même si je crois me tromper en l’inscrivant dans la logique de Phantom Phoenix pour cette raison même) montre que MALIKI semble savoir ce qu’il fait. Ce qui signifierait la volonté d’étendre l’influence du gouvernement au sud du pays.

Une troisième remarque: historiquement, SADR a toujours joué la carte de l’insurrection à son initiative. Il y a donc fort à parier que le choix de l’offensive ces jours-ci résulte d’une position de faiblesse sur le plan militaire et politique.

(1) A noter également que la dénomination de « criminels » tant à remplacer de plus en plus celle d’insurgés.

La TF MARNE communique…

…..Concernant son passage vers la phase d’assistance et de reconstruction dominant les opérations « cinétiques ».

Pour cela, elle édite quotidiennement la feuille d’information Dog Face Daily disponible sur Internet (disponible depuis septembre 2007)

DoD Briefing

Colonel Dominique CARACILO, 3 Brigade Combat Team, 101st Airborne (les Rakassans) dans les ceinture sud de Bagdad.

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