Narration: les milices sunnites (CLC/SoI/”Réveil”)

Plusieurs questions se posent à l’historien concernant ces milices: sont-elles réellement en adéquation avec la doctrine de contre-insurrection parue en décembre 2006? Quels rôles PETRAEUS et ODIERNO ont-il joué dans leur recrutement et leur montée en puissance? Sont-elles une menace pour la sécurité et la stabilité irakienne.

Sur le blog Global Guerrillas, le point de vue est plutôt critique: non seulement le recrutement de ces milices est une improvisation en totale contradiction avec la doctrine officielle -qui suppose de développer les forces armées et de sécurité de la nation-hôte-mais il met en péril l’unité de la nation irakienne. Cette approche est complétée par un article de Nir ROSEN sur le quartier de DOURA, qui jette une lumière sombre sur le phénomène, montrant des miliciens cupides et ne fonctionnant que par les subsides qu’on leur verse.

(note: il y a deux jours paraissait un article dans la National Review sur ce même quartier: le son de cloche était bien différent, notamment sur le retour de la vie normale. Après enquête, je peux affirmer qu’il ne s’agit pas du tout du même quartier, Nir ROSEN étant plutôt sur AL-RACHID et Pete HEGSETH sur DOURA…)

Trois remarques:

  • Il y a contresens sur la doctrine du FM 3-24: si l’objectif est bien de développer la nation-hôte, la campagne opérationnelle peut s’appuyer sur plusieurs procédés. Notamment, il est pertinent de chercher à « coller » aux réalités sociopolitiques du terrain. Loin d’être une improvisation hasardeuse, le développement de milices locales, intégrées ou non aux forces armées et de sécurité officielles, répond à la nécessité de la mission. Cela nécessite tout de même, comme je l’ai déjà indiqué, de tenir lesdites milices sous un contrôle strict. A la limite, celui-ci peut être d’ordre financier. Du reste, dans le système de patronage qui caractérise la société sunnite irakienne, il peut être pertinent de s’attacher les cheiks en leur donnant les moyens d’entretenir leur clientèle.
  • J’ajoute que l’histoire des débuts du phénomène reste problématique. Dans le cas du « Réveil » d’ANBAR, il semblerait que la demande d’alliance émane des leaders tribaux même si les militaires US, notamment de la 1ère Brigade de la 1ère division blindée (Army et Marines), ont dès l’abord tenté « d’engager » les cheiks. Quoiqu’il en soit, il n’est pas possible d’affirmer tout de go qu’il s’agit d’une « pirouette » décidée sur un coup de tête par ODIERNO et PETRAEUS pour maintenir les pertes à un niveau acceptable. (Même si il semble prudent d’envisager cette hypothèse bien entendu, notamment lors de la révision périodique de la campagne en avril et mai 2007 par l’équipe de PETRAEUS, David KILLCULLEN en tête).
  • La vision d’un Irak unitaire et centralisée n’est peut être pas la bonne. Le rétablissement de la sécurité en Irak est un processus par le bas, s’appuyant sur des communautés de plus en plus concernées par leur bien-être et la normalisation. Autrement dit, le projet initial de stabiliser l’Irak par le haut, notamment par la création d’un armée nationale intégrant toutes les composantes de la société, a trouvé ses limites. Le gouvernement MALIKI peine effectivement à se faire reconnaître, y compris parmi les Chiites, et on comprend bien les inquiétudes de nombreux officiers américains qui tentent de le légitimer. Mais il faut envisager un Irak décentralisé. L’ensemble est un délicat équilibre à maintenir, qui demande du temps et de l’engagement.

J’ajoute que va paraître dans la prochaine édition du Weekly Standard un article sur Raymond ODIERNO par Frederick et Kimberly KAGAN. Il tente de brosser l’histoire des opérations en Irak entre décembre 2006 et février 2008. Je retiens deux éléments:

  1. Dès son entrée en fonction (14 décembre 2006), ODIERNO a pris en compte le « Réveil » des Anbaris.
  2. Son « génie » tiendrait à la façon sophistiquée dont il aurait combiné sur le plan opératique les diverses composantes de la contre-insurrection: actions cinétiques et non-cinétiques, opérations simultanées ET successives.

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