Khanaqin, Irak (mis à jour)

J’ai déjà eu l’occasion de parler de la ville de KHANIQIN, la seconde ville pétrolière « kurde » du pays, dont le conseil municipal a appelé à une manifestation contre l’entrée de l’armée régulière irakienne dans la ville au cours de l’opération « Omen of Good« .

Je m’aperçois qu’il est nécessaire que je creuse un peu le sujet de peur que le lecteur s’y perde. Située au NE de la Province de DIYALA à la frontière iranienne, KHANIQIN est cependant sous contrôle des Peshmergas kurdes depuis 2003. D’ailleurs, la cité faisait partie de l’accord voté par le Parlement irakien fin juin -l’article 140- avec KIRKOUK. Cet accord stipule que les habitants chassés par les divers « nettoyages ethniques » puissent retourner dans les villes et qu’un référendum local décide de l’appartenance de ces régions au Kurdistan autonome. Dans ce cadre, les forces irakiennes ont d’ailleurs progressivement forcé les Peshmergas à se retirer des positions qu’ils occupaient depuis 5 ans, déchaînant la fureur des élites kurdes.

Ce qui amène à reposer la question des évènements actuellement en cours dans la province de DIYALA. Je rappelle que le Conseil Provincial (DPC) est dominé par les Chiites du Conseil Suprême de la Révolution Islamique en Irak (ISCI). et par le DAWA (parti du PM MALIKI). Dernièrement, la presse a annoncé que la police provinciale pourchassait les chefs des milices des « Fils de l’Irak ». Bien que membre de l’ISCI, le chef de la police a été évincé après une tentative d’arrestation sur la personne de Hussein ZUBAYDI, président de la commission provinciale sur la sécurité et membre du Parti Islamique en Irak (Sunnite). Ce fait démontre à mon avis deux éléments:

  • il n’y a pas de « clash » ethnique dans la Province, puisque des membres de l’ISCI se sont dressé contre un autre membre de ce parti, par ailleurs protégé du PM MALIKI. On peut au contraire comprendre la situation au niveau des élites. Les chefs chiites de la province ont semble-t-il noué une alliance avec les milices sunnites contre AQI.
  • Le véritable enjeu est celui des rapports entre le gouvernement provincial et le gouvernement central. Les affinités locales sont plus importantes que les loyautés partisanes au niveau national (comme l’illustre, dans un autre registre, l’entente entre le Parti Islamique en Irak, rassemblant les élites traditionnelles sunnites, et les milices, alors même que ces deux groupes s’opposent notamment dans la province d’ANBAR.

Ajout: selon une agence de presse iranienne, les forces irakiennes auraient pris la responsabilité de la zone d’ASHRAF (située à l’est de DIYALA sur la frontière iranienne). Ce fait corrobore en partie ce que j’avance plus haut (la reprise en main du pouvoir central). En effet, la cité d’ASHRAF était « protégée » jusque là par les Moujahidin du Peuple d’Iran (PMOI ou MEK), organisation de « résistance » au gouvernement iranien de tendance socialiste. Classée par l’UE, les Etats-Unis et le Canada parmi les organisations terroristes, le PMOI avait été désarmé en 2003 par les Américains. Ayant officiellement renoncé à la violence en 2001, le mouvement a su plaider sa cause et exercer son autorité sur la cité d’ASHRAF.

Mise à jour: un porte parole de Moqtada SADR a demandé hier au cours de la Prière du Vendredi aux Kurdes de KHANIQIN d’arborer le drapeau irakien et de cesser de gêner l’action de l’armée irakienne. Voila qui donne du grain à moudre à deux constats: le tournant de plus en plus « nationaliste » des partis prétendant représenter les Chiites, la mobilisation politique de ces mêmes Chiites par leurs élites ou les chefs partisans autour des griefs interethnique (les Peschmergas kurdes étant considérés comme auxiliaires du pouvoir du défunt Saddam Hussein dans la répression de l’insurrection chiite de 1991.

Mise à jour 2: Excellent article de Sam Parker de Abu Muqawama sur les enjeux sous-jacents de la dispute au sujet de KHANAQIN. Pour résumer, il y a à la fois des enjeux politiques, puisque le PM MALIKI met en danger le second pilier de sa coalition, à savoir les Partis Kurdes. Il compte probablement sur la désaffection croissante des Américains vis à vis de ces derniers ainsi que sur un soutien évident de l’opinion publique arabe, lassée des revendications kurdes (n’oublions pas que c’est la revendication de l’article 140 qui a empêché de voter la loi fixant les modalités des élections provinciales avant la vacance parlementaire du 31 juillet). Par ailleurs, il y a aussi des enjeux « constitutionnels » sur la forme du futur gouvernement irakien. En effet, la constitution approuvée par référendum à l’automne 2005 est plutôt fédérale dans sa lettre comme dans son esprit. En tentant de s’emparer de KHANIQIN, le PM escompte peut être empêcher la validation de l’article 140… MALIKI n’étant pas connu pour ses opinions fédéralistes. A bien y réfléchir, cette explication serait la plus adéquate pour décrire les tensions croissantes entre le PM et ses alliés kurdes ou du Conseil Suprême de la Révolution Islamique en Irak, tout deux favorables à un Irak plus fédéral.

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