Retour à Sadr City

Les opérations actuelles à SADR CITY, ce quartier majoritairement chiite situé au NE de Bagdad devenu le fief de Moqtada AL SADR, illustrent bien les procédures militaires de contre-insurrection. Plus particulièrement, elles montrent comme s’opère le contrôle du milieu par des actions de contre-rébellion (visant à perturber l’activité ennemie puis à en détruire l’infrastructure) et de contrôle des populations (visant à obtenir l’allégeance, ou au moins la neutralité, des civils).

Deux procédés manifestent la double nature du contrôle du milieu:

  • Physiquement, la construction du mur visant à isoler les parties SO de SADR CITY est une variante du quadrillage mis en oeuvre à FALLOUJAH en 2004 ou à TELL AFAR et AL QAIM en 2005: le grignotage progressif des zones lacunaires par « nettoyage » à partir d’avant-postes puis l’installation de postes de police/points de contrôle des milices. La différence tient dans la méthode: confiner l’ennemi et le détruire de l’extérieur avant de rayonner à partir d’avant-postes situés au coeur des quartiers sous la forme de Joint Security Station (JSS), ici THAWRA I et THAWRA II, qui servent de poste d’alerte pour intervenir dans tout le quartier et qui polarisent l’action d’assistance aux populations. Cela diffère quelque peu du procédé retenu à RAMADI entre juin 2006 et janvier 2007: il avait fallu s’installer en force au sein des quartiers pour créer des avant-postes à partir desquels rayonner. Cela avait occasionné des difficultés puisque les avant-postes attirent les actions offensives de l’ennemi, comme c’est le cas actuellement pour le mur.

  • Psychologiquement, ce contrôle du milieu est obtenu par la mise en place d’actions d’assistance à destination des populations. Ainsi, THAWRA I accueille depuis peu un Centre d’Opérations Civilo-Militaires (CMOC) qui gère les relations avec la population sous tout ses aspects: distribution d’aide alimentaire d’urgence, rétablissement des services essentiels, soins médicaux, négociations avec les responsables tribaux, etc. Le procédé du CMOC date des opérations menées par les Marines à MOGADISCIO en 1993/1993. Il est doctrinalement bien installé puisque qu’on en retrouve à BAGDAD en avril 2003 dès la chute de la capitale, mais aussi à FALLOUJAH après l’assaut initial de novembre 2004. Outre ces fonctions « humanitaires », le CMOC fonctionne en lien avec la JSS et les postes de police pour établir et mettre à jour des fichiers biométriques.

Ainsi, on voit bien que, en dépit des actions « cinétiques » contre les miliciens de l’Armée du Mahdi, l’essentiel de la contre-insurrection repose sur la notion de contrôle du milieu physique et humain à travers l’action exercée sur la population. Celle-ci est donc à la fois le sujet de l’action (puisque on lui procure la sécurité et les services nécessaires) mais aussi l’objet de celle-ci (avec le confinement physique et la cartographie du « terrain humain »). En outre, les actions « cinétiques » -et notamment le degré d’usage de la force- illustrent l’ambivalence de la posture américaine. En effet, la doctrine, les recommandations des supérieurs et les intentions du commandant de théâtre insistent sur la nécessité de demeurer en maîtrise de la violence tout en pouvant éventuellement basculer en mode coercition. En soi, cela ne pose pas de problème, sauf lorsque l’usage de la puissance de feu (par les hélicoptères par exemple), notamment en protection de la force, apparaît indiscriminé. Cela ne sert évidemment pas l’objectif de contrôle des représentations politiques et des allégeances de la population civile.

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2 réflexions sur “Retour à Sadr City

  1. il est vrai que des tirs ciblé sur juste le  »bad boys » serait préférables mais y a t il suffisament de  »snipers » dans les forces américaine pour couvrir toutes ces opérations 24/24 h ?

    Je ne le pense pas.

  2. Le problème est également d’ordre psychologique: la perception dans le degré d’usage de la force est tributaire de la perception de la nature de l’ennemi, du conflit et du rôle du militaire dans ce dernier. Celle-ci est elle-même déterminée ou conditionnée largement par les expériences antérieures et les discours fournis par l’échelon politique, les supérieurs ou l’institution.
    A ce titre, il est intéressant, comme je l’avais déjà signalé, de souligner les variations dans la dénomination de l’ennemi. A SADR CITY, nous retrouvons les « éléments criminels » et les « hors-la-loi » après les « groupes spéciaux » ou les « JAM marginaux ».
    En d’autres termes, la conduite individuelle et collective en contre-rébellion s’améliore sensiblement avec l’expérience et avec les changements discursifs et narratifs aux échelons supérieurs. Sur le premier point, les Américains ont certes fait des progrès, sur le second en revanche, il semble bien que la culture reste un déterminant majeur (croyance et confiance dans la puissance de feu notamment). Cette culture est en effet diffusée aux plus bas niveaux lors des formations initiales par les procédures qui sont acquises par le drill sur tel ou tel point.
    Pour revenir à la remarque: je ne pense pas que le nombre de « snipers » soit insuffisant. Simplement, les « bad boys » sont difficiles à distinguer et, qui plus est, leur motivation comme leur allégeance peuvent changer. Les civils restent un problème, sauf à envisager de les évacuer (Falloujah ou Tell Afar).

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